Pendant les années soixante, l’Etat a tenté de remédier au déséquilibre du développement régional à travers notamment, la création de grands pôles industriels et une approche sociale tentant de créer des conditions de rétention de la population dans les régions de l’intérieure. Cette tentative a eu des résultats relativement faibles. Cependant elle a eu le mérite de ne pas aggraver le déséquilibre du développement régional. Malheureusement, la politique de libéralisation de l’économie depuis les années soixante-dix va accentuer ce phénomène d’une manière presque irréversible, constituant ainsi, un des problèmes économiques les plus épineux qui se posent actuellement au pays.
Ahmed Ben Salah
L’expérience socialiste des années soixante au profit des régions intérieures :
Pendant les années 1962/71, l’Etat a développé de grosses unités industrielles en guise de
politique de décentralisation industrielle au profit de la Tunisie intérieure :
Le gouvemorat de Tunis a continué, cependant, à bénéficier d'investissements importants : 20,4 % du volume global des investissements industriels, suivi par les gouvernorats de Médenine avec 18,8 %, grâce à la prospection pétrolière, de Bizerte avec 13,6 %, de Gabès avec 9,1 %, de Sousse avec 8,5 %, deSfax,avec4,4% et de Nabeul avec 2,2 %, soit au total 77 % pour les gouvernorats littoraux, contre 5,7 % pour les gouvernorats de Jendouba, de Béja, du Kef et de Kairouan, et 9,8% pour Kasserine. En 1969, les gouvernorats littoraux de Tunis, Sfax, Sousse, Bizerte et Nabeul disposaient de 89,6 % des entreprises industrielles tunisiennes et 80,3 % du personnel industriel du pays.
La politique de décentralisation s’est traduite notamment par des mesures en faveur de l’agriculture et du tourisme :
Les mesures en faveur du secteur de l’agriculture
La création des Offices et des Cellules de Mise en Valeur, après l'indépendance, (Offices de la Basse Vallée de la Medjerda, de l'Enfida, des Souassi, de Sidi Bou-Zid etc.) a permis d'investir d'importants capitaux dans le développement de l'arboriculture et des cultures irriguées. Ensuite création de coopératives agricoles de production. Les premières unités coopératives de production (U.C.P.) intégraient d'anciennes terres coloniales récupérées à de petites parcelles privées environnantes. Le but de l'U.CP était d'assurer l'emploi maximum, donc de limiter l'exode rural, en empêchant la concentration foncière au profit des grands exploitants, par le blocage des ventes et des locations de terres. L'U.CP devait également réaliser un gros effort d'intensification, en plantant des oliviers et des arbres fruitiers, en développant des secteurs irrigués, en créant un important élevage fondé sur une substitution des cultures fourragères à la jachère labourée. Les U.C.P ont pu freiner l’exode rural et non l’éradiquer. Le mouvement coopératif a ainsi freiné l'exode rural dans les régions céréalières et favorisé dans une certaine mesure l'émigration dans les régions de cultures intensives.
Investissements publics dans le secteur du tourisme :
La Société Hôtelière et Touristique de Tunisie (S.H.T.T.), créée en 1959, a essayé d’équiper à la fois les côtes tunisiennes, mais aussi l'intérieur du pays :
- grands palaces sur le Littoral : le Morjane de Tabarka, la Corniche de Bizerte, le Miramar de Hammamet, l'Hadrumètre-Palace de Sousse, le Skanès- Palace près de Monastir, l'Ulysse de Jerba,
- Hôtels de grand standing à l'Intérieur, en particulier les Aghlabides de Kairouan, le Cillium de Kasserine et le Jugurtha-Palace de Gafsa.
Cette politique, a pu répartir les emplois sur beaucoup de régions défavorisées, sans atteindre un certain équilibre spatial (Belhédi 1990).
Depuis 1969-70 Stagnation de la Tunisie Intérieure et aggravation du déséquilibre du développement régional.
La double Tunisie: Source : Bouzidi et al. 2013.